On ne devrait pas enfermer les mots. Les mots en cage sont des oiseaux prisonniers. Comment leur rendre la liberté. Puissance de l’allusion. Et tous ces mots que nous prononçons, tant de paroles définitives. Comment donner aux mots leur liberté ?
Des mots que je te dis, qu’en entends-tu ? De tout ce que j’aurais voulu te dire et que je n’ai pas su exprimer. Ces pauvres mots qu’on dit phatiques, Comment vas-tu ? Comme autant de signes de reconnaissance. Je te parle. Je veux te dire que nous communions à la vie. Je voudrais te donner la paix des mots, que nous rompions ensemble ce pain de chaque jour. Je les prononce et j’oublie leur texture, leur épaisseur. Les entends-tu encore ? Tu me réponds. Nous nous donnons le change. Infime rencontre. On voudrait que ces mots ne soient pas un pur automatisme. Retrouver la parole perdue, la parole qui crée, la seule parole audible. Le regard devient alors plus fort que ces banalités. Entends-tu mes yeux, la quête silencieuse de la rencontre.
Tu es mystère, la vie est mystère. Étincelle, éblouissement. Nous ne pouvons être vivants que dans cette étincelle de rencontre. Paix sur toi dans notre commune humanité, fraternité soucieuse et respectueuse de nos mystères.
Les mots que nous entendons ensemble, nos mots d’impuissance. Ces mots qui disent infiniment plus que les sons que nous émettons. Tant de mots, tant de visages. Combien de regards croisés dans la grande ville, dans la banalité sacrée de nos jours, tant de sacralité de ces vies, de ta vie, mon frère, ma sœur, seulement aperçu, déjà parti. Miracle de nos vies mêlées et comme disjoints, qu’on voudrait raboutées dans la grande harmonie. Articulation de nos mots, ces mots pensés et jamais dits, comme à jamais perdus dans le bruit.
Le silence plus fort que les mots. Plus forte notre communication, passe-muraille dans l’abandon à l’universel. Sans emprise, sans la peur du saisissement et de l’interpellation. Nous nous sommes croisés. Connivence, convivance. Espérer la communion universelle. Impuissance des mots à dire tout cela. Écoute, ne juge pas leur impuissante maladresse.
Au risque des mots, parle. Ne parlons pas trop fort. Les mots maladroits font trop de bruit. Savoir ces mots que je ne dirai pas, savoir ces mots que tu ne prononceras pas dans la cage de ta pensée d’où ils se sont déjà envolés. Prendre à témoin le silence, qui vient déposer, à charge et à décharge.