La fraternité comme un travail. Si elle n’est pas en éveil, la fraternité affichée n’est qu’une posture, voire une imposture. Et ce travail n’est pas activisme. Le veilleur n’est-il pas au travail ? Apparemment, le veilleur ne fait rien. Il maintient. Comme l’homme de quart sur le bateau, comme le permanencier du centre de secours. Autant d’hommes veilleurs et éveillés. Jamais assoupis, conscients de leur travail. Rien n’est moins solitaire que cette veille.
L’homme de quart n’est pas présent au cœur de la nuit pour sculpter sa statue la main à la barre du navire. Il est la conscience de l’équipage. Son activité silencieuse est travail. Il maintient le cap et pour cela se fond avec l’océan et l’horizon. Rien de moins solitaire, rien de plus fraternel envers les hommes et avec l’Univers. Responsable. Sa veille est réponse, répondant de l’équipage, de sa communauté, de la petite patrie qui nous fait communs.
Fraternels veilleurs. Comme en écho au texte archétypal de la Genèse : « Yahvé dit à Caïn : « Où est ton frère Abel ? » Il répondit : « Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère ? »» (Gn 4,9). Gardien, veilleur. Écho encore, à une autre phrase fondatrice : « Yahvé Dieu prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Éden pour le cultiver et le garder » (Gn 2,15). Même mot qui pour toujours nous associe à l’œuvre de Création : veiller, garder pour prendre soin du frère comme de l’univers. Pour regarder.