Toujours te regarder. Toujours vous rencontrer, vous les vivants que je veux voir comme ils seront dans l’éternité de leur mort, à jamais sacrés, plus grands que leur apparence immédiate, et vous les morts que j’ai aimés qui sont dans ma vie infiniment présents. Vous les vivants et les morts, égal mystère de l’homme, mon frère, ma sœur.
Toi qui approches, qui es là et me dis les mots banals. Que sais-je de toi ? J’aperçois et je veux contempler derrière ton visage qui s’anime, toute ton histoire, l’histoire de tes pères et de tes mères, ce fleuve toujours renouvelé, et puis les rêves que tu ne formules plus, les peurs enfouies, rêves et peurs ensemble cachés sous les simples mots que tu prononces, comme exprimés par pudeur pour ne pas parler de l’essentiel, de ce qui rend sacré nos vies. Silence bavard qui couvre nos secrets qu’on ne saurait connaître et reconnaître. Où repars-tu, ami qui pousse ta pierre ? Toi plus vaste que ton court parcours terrestre encore inachevé.
Et toi qui n’est plus là, et pourtant tellement présent, tellement présente, que je te sais éternellement, infiniment là, dans la lumière de ta vie, de cette vie que j’ai croisée, rencontrée, aimée quand tu approchais en disant des mots banals. Désormais, il n’y a plus de banalité entre nous, seulement le sacré de ton absence qui m’accompagne et te rends si présent, si présente que j’entends le son de ta voix, ton timbre qui colle à mon oreille. Correspondance de mémoire à jamais béante. Infiniment vivant, vivante en mon cœur. Vivants et morts, tous appelés à vivre l’aujourd’hui des ressuscités. À pleine vie, pleine lumière.