Les charpentiers le savent bien : pour constituer une structure solide, tous les éléments doivent parfaitement s’ajuster mais ils ont besoin d’une tolérance qui permet à l’ensemble de rester vivant, pour ne pas casser et supporter toutes les contraintes. Les charpentiers comme les ingénieurs aéronautiques ont appris à allier l’emboitement, l’ajustement à la tolérance des matériaux. De la maîtrise de l’assemblage dépend la solidité et la force de la structure.
Je voudrais allier en moi ajustement et tolérance, promouvoir leur alliance, leur alliage, en chacun de nous. Dans tout ce qui nous relie et nous ajuste. Ajustement, comme recherche de la justesse de la pensée et de la parole, agencement de paix à cheviller entre les hommes. Tolérance, comme souplesse généreuse, une compliance qui n’a rien d’une complaisance. La tolérance est trop souvent considérée comme une demi-vertu, une neutralité condescendante, comme si on devait tolérer ce qu’on ne pouvait éviter. Non, la tolérance n’est pas une lâche concession mais pour être authentique, elle a besoin d’un ajustement patient. Ajuster, c’est accueillir l’autre, le respecter et entrer en dialogue pour construire une paix vraiment charpentée.
La tolérance commence vis-à-vis de soi-même. On ne peut penser la tolérance envers nos frères sans se l’appliquer intérieurement. À la fois souplesse et patience, cette tolérance est la capacité à surmonter les vicissitudes de la vie, ce que les Anciens appelaient l’hypomoné. D’ailleurs, l’autre n’est jamais extérieur à moi si je l’aime comme moi-même. Nous comprendrons alors que la tolérance est active, comme la tolérance du métal qui sait plier. Il y a de l’humilité dans cette souplesse à passer par la porte basse de la tolérance. Contre toutes les rigidités – de celles qui deviennent cadavériques – laissons travailler et s’ajuster les poutres de la vie.
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SENTIMENT OCÉANIQUE 