À échelle humaine

La vie spirituelle ne doit pas nous divertir du souci de l’autre et des enjeux politiques de nos vies en société. La politique a mauvaise presse car elle s’est éloignée, désincarnée à force de slogans simplificateurs ou d’idéologies totalisantes. Je crois que la seule politique qui vaille est de revenir à échelle humaine, d’agir à hauteur d’homme. Il n’y a là rien d’étroit dans cette dimension charnelle. Ce n’est pas l’échelle du rétrécissement. C’est au contraire la bonne mesure de la dignité, de l’altérité. C’est le retour à la concrétude du réel. Pas de faux fuyant à hauteur d’homme, à la même hauteur que l’autre. Rien de surplombant, d’écrasant. Rien non plus d’éthéré, de distant. C’est dans cette pâte humaine, qui constitue les travaux de nos jours, que nous avons à œuvrer pour la dignité de tous.  

Léon Tolstoï a écrit : « le plus grand péché d’aujourd’hui : l’amour abstrait des hommes“ et le prophète d’Iasnaïa Poliana ajoutait : « Aimer les hommes qu’on ne connaît pas, qu’on ne rencontrera jamais, c’est si facile ! On n’a besoin de rien sacrifier. Et en même temps, on est content de soi ! La conscience est bernée – Non, il faut aimer le prochain, celui avec qui on vit, et qui nous gêne. »

La proximité n’est pas un enfermement, c’est une ouverture à l’autre, si proche. Toute marche commence par un premier pas. Et même un petit pas. Si on veut enjamber ce premier pas de la proximité, on perd l’équilibre et on tombe. Si on ne fait pas ce premier pas, on reste spectateur désabusé d’une communauté de figurants. La vraie vie est là, à un pas de moi, de l’autre que je reconnais dans sa dignité spirituelle. Et ce pas est un pont. Car la vie n’est viable que dans le souci de mon frère. Dans le sourire de mon frère. 

Retrouvez l’ensemble des textes déjà parus, dans la rubrique Archives – © Jean Dumonteil.