L’écume de la mer, c’est cette mousse blanchâtre que provoque le vent dans l’estran, dans le courant des marées. Et par temps de tempête, cette écume peut prendre des proportions impressionnantes. Nous aussi, nous fabriquons notre écume. Au fil des jours, nous montons en mousse de petits événements qui enflent, polluent nos vies et prennent une dimension étouffante, avant de refluer. Nous nous laissons gagner par l’écume des vaines polémiques, du flot d’information où les vagues de l’actualité se succèdent et se recouvrent. On peut aimer l’écume mais il faut savoir que ce n’est que l’écume. L’écume n’est pas la crème de la mer.
Boris Vian avait intitulé son plus célèbre roman L’Écume des jours. Dans son récit, il écrit qu’« à l’endroit où les fleuves se jettent dans la mer il se forme une barre difficile à franchir et de grands remous écumeux où dansent les épaves. » Bien vu ! N’avons-nous pas la tentation de nous complaire dans l’observation des épaves de l’écume de nos jours ? Sans mélancolie, laissons les épaves à leur fin et l’écume à son destin de mousse éphémère.
Je n’ai pas d’écumoire – vous savez, cette grande cuillère à trous qui ôte les impuretés du bouillon – pour écrémer la surface de nos vies. D’ailleurs, cette écumoire serait bien inutile. Rien ne sert non plus d’écumer de rage, de produire sa propre écume de colère au coin des lèvres. Laissons l’écume des jours se former et disparaître, elle ne produit rien. Que de la mousse. Lève les yeux que tu tenais baissés vers l’écume et regarde loin devant toi le flot océanique dans sa plénitude, sa puissance et sa promesse. Et dis seulement avec le poète Paul Valéry, « Les événements sont l’écume des choses. Mais c’est la mer qui m’intéresse ». Et recommence à sourire.
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