« La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s’est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s’y trouve », écrivait le poète mystique persan Djalâl ad-Dîn Rûmî qui a tant influencé le soufisme. Illusion et insuffisance de ce que nous croyons posséder, infime part de vérité que je détiens et partie d’un tout que je dois toujours chercher à relier. Dans nos vies quotidiennes, le miroir permet surtout de découvrir le reflet de notre apparence. Les nouveaux miroirs que sont les selfies nous donnent l’illusion de capturer notre image pour la fixer dans son éternité, pourtant bien virtuelle. On dit qu’une adolescente de 13 ans a aujourd’hui plus de photos d’elle que l’actrice Marlène Dietrich durant toute sa vie. Nous sommes cernés par les miroirs, captivés par les images que nous avons cru capturer.
Miroir, miroir, par le simple jeu de deux miroirs qui se réfléchissent, on peut créer une impression abyssale d’infini. Et à certains moments de notre vie, nous savons aussi reconnaître dans le miroir qui nous est tendu le visage de l’autre, le visage de l’Homme, tout simplement dans sa vérité. Le miroir est dans cette rencontre de l’autre, de moi et de la réalité. Pas de séparation à opérer : miroir pour se connaître, pour connaître et reconnaître l’humanité et apercevoir le mystère de l’autre, mon frère, un autre moi-même.
Mais le miroir ne me renvoie pas seulement des images. Si je sais l’orienter, il réfléchira la lumière. Comme la lune est le miroir du soleil. Espérance du soleil que je ne vois pas, voilement et dévoilement. N’oublions pas pourtant que le miroir produit une image inversée et qu’il ne faudra pas confondre l’image et la réalité. Quelle réalité, celle que produit mon œil, celle d’un microscope électronique ou celle venue d’un satellite ? Question de perspective. « La réalité n’est jamais ce que l’on voit. La matière est composée d’atomes toujours en mouvement et chacun de ses atomes est constitué majoritairement de vide. Nous ne voyons que des quantités d’énergie en mouvement », explique l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan. Et cela donne matière à… réfléchir.
Retrouvez l’ensemble des textes déjà parus, dans la rubrique Archives – © Jean Dumonteil.
Bravo Jean. C’est toujours extraordinaire, simple émouvant et profond. Chaque texte nous transforme et nous promène en nous même. Ton écriture fluide permet ce voyage fait de reflets de soi et de l’autre. Merci
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